L'inégalité des chances

par Anonyme

Il a fallu une semaine pour que ma vision change. Une semaine pour que ma peur infondée s’effondre. Une semaine pour que mes préjugés s’enterrent. C’est une semaine envers laquelle je n’avais aucune attente, et qui s’avéra être une semaine de remise en question et d’apprentissages. J’étais bien loin de me douter que ma semaine de stage en médecine sociale allait m’apporter un regard nouveau sur notre société. Dans notre société, l’idéologie dominante sur l’itinérance est basée sur la responsabilité individuelle, et non sur les causes sociales et structurelles, comme la pauvreté, la pénurie de logements ou le manque de ressources en santé mentale. La COVID-19 a frappé de plein fouet la population entière, mais qu’en est-il des gens sans domicile fixe? Comment ont-ils vécu la dernière année? Certains diront sans connaissance de cause que leur vie n’a pas été bousculée, cependant la vérité est que la pandémie a permis de mettre au premier plan les besoins criants des personnes sans domicile fixe. En effet, la crise sanitaire a affecté leur quotidien beaucoup plus qu’on pourrait le penser. Puisque la plupart de ces gens marginalisés n’ont pas une voix ou une plateforme pour s’exprimer, leur situation a été mal comprise pendant la pandémie et le demeure toujours. Il serait temps de leur céder la parole afin que l’égalité des chances soit la même pour tous. Je saisis donc l’occasion aujourd’hui d’écrire ce texte pour prêter ma voix aux gens qui n’ont pas cette chance. Ces gens dont la rue constitue leur maison sont souvent aux prises avec des problèmes de consommation ou de santé mentale. Personne ne prend la décision dans la vie de se retrouver à la rue. Cependant, notre société a une tendance de longue date à stigmatiser ces gens, à les rejeter et à les craindre. Ces personnes possèdent tout de même le droit à la vie, à la dignité, à la sécurité et à l’intégrité. Sommes-nous dans une ère d’acceptation des inégalités croissantes ? Pendant la période de pandémie, plusieurs organismes communautaires ont dû fermer leur centre ou restreindre leur nombre de places disponibles. Ainsi, pendant mon stage, j’ai parlé à un homme qui me racontait que pendant la première vague de COVID-19, il n’avait pas pris de douche en trois semaines, car aucun centre communautaire n’avait de place. Les abreuvoirs dans les parcs étaient fermés pendant la pandémie, donc l’eau potable était inaccessible à des milliers d’itinérants. Les denrées alimentaires se faisaient plus rares et étaient difficiles à obtenir. Les infirmiers dans les organismes communautaires n’y étaient plus en raison de l’urgence criante de manque de personnel dans les hôpitaux. L’accessibilité à la méthadone et à la Suboxone était limitée également. Les dons de linge n’étaient plus acceptés pendant la crise, donc plusieurs itinérants passaient des mois vêtus du même linge. De plus, les rues étaient tellement désertes que les itinérants ne pouvaient plus être soutenus financièrement en quêtant dans les rues. Ils ne pouvaient plus s’acheter de la nourriture dans les dépanneurs, car l’argent comptant n’était plus accepté. C’est une réalité cruelle que plusieurs d’entre nous ont du mal à concevoir dans le confort de notre quotidien.

Imaginez-vous que ces gens sont aussi le frère, la fille ou le père de quelqu’un. Ces gens ont des familles et ont des gens qui tiennent à leur vie. Une tonne de leçons sont à tirer de cette pandémie, l’une d’entre elles étant que l’offre de services actuelle aux itinérants est engorgée, et plusieurs d’entre eux se retrouvent sans soutien. Cette crise sanitaire est donc venue exacerber les inégalités sociales et économiques déjà existantes dans notre société. Nous pouvons officiellement dire que tous les gens sans domicile fixe ayant survécu à la pandémie dans la rue sont de vrais héros.