Témoignage sur la COVID-19 [Texte coup de coeur]

Témoignage sur la COVID-19 [Texte coup de coeur]

C’est effrayant à quel point, dans la vie, on subit. Prenez un instant pour y réfléchir : il y a un an, qui parmi vous aurait prédit qu’on se retrouverait ainsi confinés à attendre désespérément qu’on nous annonce qu’un vaccin a vu la lumière ?


Pendant un instant, sous l’effet de la fatigue, un brin de folie m’a envahi. J’ai pensé faire comme Frédéric Beigbeder, scier la branche sur laquelle je suis confortablement assis. Puis, je me suis rappelé qu’on ne mord pas la main qui nous nourrit. Je me suis donc assagi. Mais le calme a été éphémère; et la tranquillité d’esprit, bien que je sois parti à sa recherche, je ne l’ai pas trouvée. En effet, j’ai réalisé que je n’étais pas assis aussi confortablement que je le pensais sur ma branche et que celle-ci céderait tôt ou tard sous mon poids. J’ai donc décidé de prendre ma plume et d’écrire afin d’évacuer cette énergie noire qui m’habite.

Ah, j’ai oublié de vous avertir, ce qui suit ne sera probablement pas rose. Vous êtes donc encouragés à abandonner la lecture ici avant que je ne commence pour de vrai.

Vous avez choisi de continuer à perdre votre temps avec moi. Parfait, affrontons la bête qui est devant nous. Pourquoi, à deux heures et demie du matin, cette rage tout à coup ?

Je vais vous dire les choses en face, telles qu’elles le sont, sans aucun filtre : la Société va de travers. Il s’agit d’un bordel hors pair. Le tournant qu’a pris la situation est critique. Vous n’en êtes pas déjà convaincu ? Laissez-moi le plaisir de vous en convaincre !

Je ne suis pas le seul à avoir eu sincèrement peur quand, le 5 novembre 2020, la moitié de la carte des États-Unis s’est retrouvée coloriée en rouge. Oui, Trump a failli être réélu en 2020 pour quatre autres années de bonheur. Dommage, l’année 2020 a manqué un joli trophée à sa collection. Cela aurait été le summum de l’année, je pense. Quoi que, il ne faut pas le dire trop fort, l’année n’est pas encore finie. Qui sait quelles autres surprises nous attendent ?

Permettez-moi de sauter du coq à l'âne: non seulement la campagne électorale américaine a été un show de télévision plus qu’autres choses, mais nous venons de passer à côté de probablement notre unique et dernière chance de changer notre approche à l’égard de l’environnement et ainsi sauver notre chère planète bleue. La voie de sortie était là, à notre droite, et nous avons appuyé sur l’accélérateur pour foncer tout droit. Pourtant, devant nous, il y a un cul-de-sac et nous le savons tous très bien. Alors que l’économie avait complètement figé, nous aurions pu changer le cours des choses, réorienter complètement notre approche et réduire notre empreinte écologique. Oui, les situations drastiques nécessitent des mesures drastiques. Nous sommes rendus là. Qu’avons-nous fait à la place? Dès qu’une occasion de réactiver la machine s’est présentée, nous nous sommes jetés dessus. Legault n’a pas hésité en tout cas, même si le reconfinement l’a rapidement rattrapé. Le capitalisme est une bête enragée sur laquelle nous avons perdu le contrôle. Regardez le portait de plus près : ce n’est plus le maître qui promène le chien, mais le chien qui promène son maître.

Le bordel, vous commencez à voir le bout de son nez ? Parlons du virus un peu. C’est un sujet à la mode de nos jours.

Vous rappelez-vous du moment où la Chine essayait encore de nous faire croire que tout était sous contrôle et que le virus n’était pas dangereux alors que le chaos commençait à régner en Italie? De quand Dr Arruda demandait à la population de ne pas porter de masque, car il donnait aux gens une fausse impression de sécurité et pouvait même empirer la situation ? En quelques semaines, le port du masque est passé de non-efficace et superflu à obligatoire. La contradiction représente bien la gestion de la crise par le gouvernement Legault : on avance à tâtons sans trop savoir où mettre le prochain pas. Tout l’indique : on n’était absolument pas préparé à faire face à une crise sanitaire d’une telle ampleur. En fait, on n’était pas préparé à faire face à une crise sanitaire point. En l’absence d’une stratégie claire, M. Legault nous propose plutôt des plans chambranlants, avant de se rétracter plus tard. Célébrer l’Halloween ? D’accord. Noël, ça par contre, non. Et si on allongeait les vacances d’hiver pour les enfants? Et les parents dans tout ça? C’est une valse d’incohérence et d’incertitude que nous propose le gouvernement, une valse dans laquelle nous sommes tous embarqués depuis mars dernier. Une valse d’arcs-en-ciel et de ça va bien aller, mais dont les conséquences désastreuses, autant sur le plan psychologique qu’économique, se font déjà sentir. Et malheureusement, c’est le gouvernement qui ouvre le bal mais la population, elle, n’a pas le choix d’entrer dans la danse. Heureusement toutefois que le SARS-CoV-2 est un virus quand même docile, imaginez-vous la catastrophe si le coronavirus s’attaquait aux lymphocytes T CD4+ comme le VIH. Cela aurait probablement fait un peu de nettoyage sur notre planète. Dame Nature en aurait probablement remercié le virus.

La rage est donc justifiée. Un peu quand même. Attendez ce n’est que la pointe de l’iceberg. Permettez-moi de vous divertir davantage.

Cet été, je planifiais de partir en voyage, je voulais être loin de là, pour une dernière fois avant de me concentrer sur des choses un peu plus sérieuses, des choses un peu plus pertinentes pour mon parcours académique. Avec le confinement, cela a été simplement impossible. Puisque le gouvernement répétait sans cesse qu’il y avait un manque de main d'œuvre aux CHSLD, j’ai décidé d’aller fournir un coup de main. Je n’arrivais pas à concevoir le fait que j’allais passer l'entièreté de mon été à me tourner les pouces alors que des personnes âgées tombaient comme des mouches à quelques pas de chez moi.

Voici quelques unes de mes péripéties:

Quand j’ai été embauché, on m’a informé que je devais appeler le plus rapidement possible mon CHSLD afin d'obtenir mon horaire. La situation était urgente, disaient-ils, il se pouvait que je commence à travailler dans les prochains jours. J’ai donc appelé au numéro indiqué. Surprise, la personne qui m’a répondu n'avait aucune idée de comment fonctionnaient la distribution des horaires. Mon appel a été transféré sept fois avant que je n'aboutisse sur quelqu’un qui s’y connaissait. Tout au long de l’appel, j’avais la scène d'Astérix et Obélix dans la maison des fous qui tournait en boucle dans ma tête. Je vous le jure, j’ai failli les rappeler le lendemain avec la même question afin d’enregistrer le spectacle, c’était vraiment une perle rare. L’organisation de notre cher système de santé...

Ma première journée, je ne l'oublierai jamais. Employé modèle, je me pointe en avance et tente de me trouver un casier pour laisser mes effets. Pas un de libre: ils étaient tous occupés. Une chance qu’un employé a eu la générosité de partager avec moi le sien. J’arrive donc à l'accueil afin de me renseigner, à savoir sur quel étage et avec quelle équipe je dois travailler. Je réalise que je ne suis pas le seul perdu, nous sommes quatre en effet. On nous envoie au dernier étage, voir l'infirmière chef qui dirige l’unité. Celle-ci nous apprend qu’un sort bien particulier attend deux d’entre nous. Heureux élu, je me retrouve déporté à un autre centre. Je ne mentionnerai pas que lors de ma première journée je me suis retrouvé à superviser des résidents tout seul. En passant, le taxi d’aller était payé, mais pas le taxi de retour. Je me suis retrouvé à courir quatre kilomètres pour retrouver mon vélo et en pédaler douze autres pour retourner chez moi. Mon shif avait fini à 23 h 30. Pour être honnête, si je n’avais pas déjà travaillé avec des clientèles plus exigeantes que celle des personnes âgées, je ne serais pas revenu le lendemain et serais resté chez moi à savourer agréablement la PCUE.

Je pourrais raconter plusieurs autres anecdotes concernant l’organisation douteuse de notre système de santé. Je me limiterai toutefois à mentionner que mon courriel d'embauche, je l’ai obtenu cinq fois au total, et que la prise de présence au CHSLD où je travaillais se faisait sur une feuille qu’il était possible de signer en début de shift, puis disparaître incognito. J’ai connu (de loin, car ils étaient toujours absents) certains employés qui travaillaient des demi-shits; d’autres travaillaient littéralement un jour sur deux. Ces derniers signaient d’avance leurs feuilles de présence. Le karma existe-il réellement ? Ils ne se sont jamais fait attraper. Donc oui, vos taxes, mes taxes, celles de nos familles y passent. Je suis convaincu que ce n’est pas la pire gestion qui existe, si l’on se force plus on peut trouver mieux.

L’expérience en CHSLD en a certainement valu la peine, même si mes parents et amis me disent que j’aurais pu, et probablement dû, rester dans le confort de mon salon à célébrer, jour après jour, la « générosité Trudeau » avec la PCUE. J’ai fait les calculs, j’aurais accumulé l’exacte même somme si j’étais resté chez moi à me tourner les pouces pendant quatre mois. J’aurais fait quelque 1400 $ de plus si j’avais travaillé seulement une journée au lieu de trois et demi et avais opté pour le trio Big Mac comprenant PCUE + PIRTE + une journée de travail. Quelqu’un peut-il m’expliquer, s’il vous plait, elle est passée où la logique ?

Je me suis trompé, le fait d’écrire n’a rien changé. Je suis juste fâché encore plus. Je me coucherai et demain me réveillerai dans le même cauchemar qui m’habite aujourd’hui. Je vais aller méditer un peu, les études disent que c’est bon pour la santé mentale. 

De retour. Ça n'a pas marché la médiation. Cette rage, pourquoi persiste-elle ?

Parce que plusieurs de mes amis et moi ne pourrons pas voir leur grands-parents ce Noël, alors qu’il s’agit potentiellement d’un des derniers Noëls que nous avons avec eux. La vie n’est malheureusement pas éternelle, ils se font vieux... Cela me glace le sang quand j’y pense.

Parce que demain, j’aurai encore envie de défoncer l’un des quatre murs de ma chambre après mon apprentissage par problème sur zoom.

Je me plains de rester enfermé dans ma chambre avec mes cours en ligne; pourtant au CHSLD où j’ai travaillé, certains résidents ont été enfermés dans leur chambre pendant des mois. Ceci revient à des mois, voire des années, de physiothérapie à la poubelle, une baisse des capacités fonctionnelles et autres. Je n’ai pas besoin de vous rappeler les conséquences de l’alitement et de manque d’activité physique, vous les connaissez probablement mieux que moi.

Un jour, alors que je philosophais avec une résidente atteinte de sclérose en plaque à un âge très précoce, celle-ci m’a dit : « on joue avec la vie, jusqu’à ce que la vie se mette à jouer avec nous ». Je vous l’ai dit dès le début : c’est effrayant à quel point, dans la vie, on subit. Et nous, on subit les conséquences de notre société désorganisée. Comme dans un jeu d'échecs où nous ne sommes que de vulgaires pions, c’est la main du joueur qui gouverne notre destin. Mais quelle main nous gouverne dans ce cas-ci? Sommes-nous des pions sacrifiés dans l’échiquier du pouvoir politique ou tout simplement dans l’échiquier de l’existence humaine? Tout dans nos vies peut s’écrouler sans préavis. C’était le cas avant le début de la crise sanitaire, et ce le sera après. On sait tous que l’incertitude est une partie intégrante de la vie. La différence, c’est qu’avant, ce n’était qu’un bruit de fond. Maintenant, c’est une réalité constante, et il est impossible d’échapper à la réalisation que tout peut changer sans préavis. Alors que les cas de Covid se multiplient et que l’on sent l’étau des mesures sanitaires se resserrer autour de nous, on se retrouve devant une réalité déplaisante : ce n’est pas que cette pandémie ait brusquement rendu le monde incertain, c’est qu’elle nous a révélé à quel point il l’avait toujours été.

Je me relis et réalise que mon intention initiale était d’éviter de me plaindre. Or, c’est exactement ce que j’ai fait. Désolé, la pression était trop grande, j’ai explosé. Je réalise aussi que j’ai commencé à écrire en prenant mon temps, avec un style poétique, mais cela a vite dégénéré. Désolé, ce n’est pas une œuvre d’art comme vous l’aurez probablement aimée. IL FAUT QUE CE MANQUE D’ORGANISATION DANS NOTRE SOCIÉTÉ ET CE MANQUE DE COHÉRENCE SUR LE PLAN GOUVERNEMENTAL CESSE. LA SITUATION ACTUELLE AURAIT PU ÊTRE ÉVITÉE SI NOUS ÉTIONS RÉELLEMENT PRÉPARÉS. Désolé si les majuscules vous ont agressé les yeux, c’était le but.


Signé sous la beauté de l’anonymat.

Image de couverture : Extrait de Les douze travaux d'Astérix, film sorti en 1976, réalisé par Uderzo, Goscinny et Watrin, produit par les Studios Idéfix. Usage non-commercial.