Blues de l'après-pandémie
par Anonyme
En un clin d’œil, nous voilà en mi-septembre. Après de longues semaines de chaleur écrasante, le soleil se fait maintenant tout doux. Dans les ruelles bordant l’université, le feuillage des vieux érables se colore peu à peu d’un brun-doré, tandis les citrouilles font déjà leur apparition sur les étals du marché Jean-Brillant, parmi les pots de jolis chrysanthèmes rouge vin.
Mais surtout, après une désolante année de silence et de couloirs désertés, le campus reprend enfin vie et déborde de l’énergie et de l’exubérance de jeunes qui ont été confinés pendant trop, trop longtemps. Pique-niques dans les parcs, soirées sur la terrasse des bars et des cafés… partout où je me promène, j’aperçois des groupes de jeunes heureux de se retrouver ou de faire connaissance pour la première fois. Sur mon chemin vers la Bibliothèque des sciences humaines et lettres, je ferme les yeux un instant et tente d’absorber par osmose l’énergie qui exsude de ce quartier étudiant bondé en fin d’après-midi. Me voilà en plein cœur de l’action. Et pourtant, je me sens seule.
De nature introvertie, je m’étais réfugiée dans le confort de ma petite bulle durant la pandémie, entourée de ma famille et de quelques amis proches que je connaissais depuis toujours. À présent, expulsée de ce cocon de familiarité, me voilà confrontée à un chapitre nouveau dans une ville nouvelle. Il est vrai que les cours viennent de commencer il y a à peine trois semaines, c’est tout de même normal de ne pas encore avoir son petit cercle d’amis proches, comme c’était le cas au secondaire et au Cégep. Et puis, je dois avouer que mes camarades de classe sont très sympathiques – tous semblent heureux et excités de finalement faire la connaissance de visages restés cachés derrière une caméra pendant de longs mois de confinement.
Malgré la joie que m’apportent ces rencontres tant anticipées, il m’arrive de me sentir un peu désorientée par ce processus intense de speed-friending. Durant les pauses, tout comme mes camarades, je papillonne d’un petit groupe à un autre, m’immisçant dans des conversations stimulantes et échangeant des plaisanteries par ci et par là. Bref, il y a indéniablement un esprit d’équipe qui règne au sein de notre cohorte, et j’en suis très reconnaissante. Cependant, je ne peux m’empêcher de me demander : au-delà de ces brefs et précieux moments de connexion, parviendrai-je éventuellement à nouer de véritables amitiés?
Peut-être me fais-je trop de souci, comme d’habitude. Peut-être qu’il suffit d’accueillir ces nouvelles rencontres avec ouverture et curiosité, de profiter des moments d’échanges spontanés qui s’offrent à nous, sans aucune attente. L’authenticité et la bonne volonté font inévitablement naître des liens d’amitié; le temps se chargera de les solidifier, je lui fais confiance. Après tout, nous sommes tous en quelque sorte dans le même bateau : 271 étudiants entamant notre première année en médecine ensemble, désirant trouver une place parmi ce groupe de pairs avec qui nous partagerons les épreuves et les joies des quatre prochaines années.
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À travers les larges fenêtres vitrées de la bibliothèque, j’aperçois le soleil qui commence à se coucher – ses rayons obliques illuminent les hautes branches d’une riche lueur dorée et transpercent leurs feuilles, les rendant translucides. Assez de réflexions pour le moment; il est temps de regagner mon petit appartement après une bien longue journée.
Source de l’image de couverture: Photographie par Ben Duchac - unsplash.com