Nature morte

Nature morte

par Anonyme

J'arrête. Je prends un instant pour respirer. 

Je ne l'avais pas réalisé, mais j'avais retenu mon souffle à la fin du cours. Ce cours de trois heures, l'après-midi, s'ajoutant aux trois heures du matin, puis à un APP à préparer pour le lendemain. Tout cela allongeant la liste de toute la révision que je devrai faire avant l'examen.

Après tout, c'est ça notre rythme de vie. Comme les oiseaux migrateurs qui partent et reviennent année après année, comme les plantes auxquelles nous disons bonjour au printemps et au revoir à l'automne. Etudiantus medicinum vit selon un cyle perpétuel, par blocs où il salue un nouveau domaine médical qu'il quittera dans un mois. Chaque APP, hortator de cette galère, chaque heure d'étude, un coup de rame, sans répit. 

Sans répit, puisque chaque nouveau printemps nous salue sans avoir passé l’hiver, sans même une journée de pause, sans même pouvoir détendre ses muscles endoloris par ce marathon de 34 jours. Mon corps est constamment vigileant, propulsé par ce cortisol qui circule sans arrêt dans mes veines. Mes pauvres surrénales, je les surmène. 

J'arrête. Je prends un instant pour respirer. 

Mon regard se pose alors sur mon bureau. Un peu en désordre, mais pas trop. L'image de ma vie. C'est un de ces meubles que l'on utilise tellement qu'il en vient à être une définition d'une partie de nous-même. Un miroir de bois. 

Je regarde à côté. Des livres, les uns par dessus les autres, cette sculpture à l'équilibre fragile reposant elle-même sur une pile de cahiers de notes à boudin de métal. Des livres de médecine, oui, le livre rouge de néphro en tête. Mais, il est soutenu par d'autres, hétéroclites. Une tentative d’équilibre de vie.

Au lot se mêlent quelques photos encadrées. Un pot de fleurs qui commencent à faner. Mes écouteurs, irréversiblement mêlés, se trouvent à côté de ma tasse de thé. En prenant le temps de regarder, je découvre des objets qui s’y sont accumulés au fil des blocs, comme un testament du temps qui passe, du passé déjà oublié.

Mon bureau, nature morte de mes études

Le temps passe si vite.

Peinture de couverture : Nature morte aux marguerites, Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté, MBAM