Un noble rouage de la médecine

Un noble rouage de la médecine

par Lucas Beaulieu


Voyez la médecine. Visez la médecine. Vivez la médecine. N’est-ce pas admirable comme parcours? Et alors, la vivant, consacrez-vous-y pleinement, incessamment. Car qu’y a-t-il comme domaine plus noble? Que nous reste-t-il sans santé? La préserver chez chacun, voilà la visée inductrice d’une eudaimonia des mieux méritées. En dévier une fois en possession des moyens par lesquels s’y adonner, ne serait-ce signe de folie – d’un point de vue strictement rationnel, du moins?

Ainsi, en des termes plus ou moins romanesques, s’impose la médecine aux yeux de certains. Ainsi revendiquent-ils sa suprématie. À cette sacralisation succède la conviction que tout professionnel de la santé doit moudre sa vie en aval de son métier. Idéalement, bien sûr – étant humains, la réalité des choses exige de nos poursuites une certaine variété. Or, que cette croyance soit consignée ou non au domaine des idéaux dont le caractère inatteignable est admis par tous, il reste que certains risquent de la qualifier d’admirable. Admirable? Voilà ce qui est à démentir…


Derrière chaque médecin, chaque infirmier, chaque aide-soignant se cache d’abord un humain, un individu – surprenant, non? La finalité fondamentale de tout professionnel de la santé ne peut donc diverger de celle de toute personne. Croire autrement impliquerait une négation de la nature humaine d’un segment de la population, justifiée par le (piètre) raisonnement voulant que l’importance de leur rôle sociétal exige d’eux une aliénation de soi. Équivaudrait une réduction de l’état des professionnels de la santé à celui de machines.


Comment alors devraient agir lesdits médecins, infirmiers, aides-soignants et autres? Mais en tant qu’humains et rien de moins, voyons donc! C’est-à-dire en tant qu’êtres libres, dont le métier ne constitue pas une fin à laquelle devraient aboutir tous leurs efforts, mais plutôt un moyen permettant d’atteindre un épanouissement maximal de soi et, conjointement, de leur société d’appartenance. Car notons ceci : un développement individuel ne peut se réaliser pleinement sans le cadre propice que constitue une collectivité saine. Simultanément, ce cadre ne peut exister sainement sans le maintien actif qu’en font des individus dont le développement est suffisamment poussé pour que leur soit propice d’agir ainsi. L’épanouissement personnel est donc intrinsèque à un certain épanouissement collectif.

Bref, si jamais il vous arrive de douter de votre dévouement envers la médecine, contextualisez bien l’admiration que vous y portez. Méfiez-vous d’idéaux sollicitant un zèle dont le caractère absolu relève d’une incompatibilité avec la nature humaine, aussi honorables soient-ils. Tenez, somme toute, à ce que votre visée première en tant que soignant comprenne l’amour à la fois d’autrui et de soi. Autrement, voilà qu’il ne restera de vous qu’un noble rouage de la médecine.

Illustration par Florence Séguin