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Bouillon de poulet, volume 2

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Bouillon de poulet, volume 2

Par une étudiante anonyme de l’année préparatoire

Il y a quelques années, j’ai construit un petit poulailler modeste avec un ami, puis j’ai adopté deux charmantes poulettes, JLO et Beyoncé. Depuis, ces deux chicks du village vivent leur meilleure vie en pondant toutes mes omelettes estivales. Je dis bien estivales puisque, l’hiver, JLO et Beyoncé vont rejoindre des consœurs au Club Med (lire ici un poulailler hivernisé chez mes parents) afin de traverser le vortex polaire les pattes au chaud. Tout se passe à merveille!

Puis un jour, j’ai eu envie d’œufs funky et j’ai adopté une nouvelle poule que j’ai nommée Sean-A-Poule, nom qui m’a été ingénieusement conseillé! À ma grande déception, sitôt arrivée dans le poulailler, Sean-A-Poule fût froidement rejetée par JLO et Beyoncé…

Ici, je dois avouer mon flagrant manque de connaissance du star système. Je n’ai donc aucune idée des mœurs et amitiés des réelles vedettes derrière l’inspiration de ces prénoms, mais mes poulettes, elles, sont BFF! Il va sans dire que leur manque d’accueil et d’ouverture envers la petite nouvelle m’a fort déplu. Franchement les vedettes, un peu d’inclusion! 

Bon... Je dois quand même faire mon mea culpa, puisque, plus tard, j’ai appris de source sûre, qu’il valait mieux intégrer la nouvelle poule la nuit pour favoriser son accueil?!  De mon côté, imaginer accueillir une nouvelle colocataire inconnue, la nuit, alors que je dors, ne me semble pas être idéal! Néanmoins, je fais confiance aux savoirs de l’agricultrice qui m’a partagé cette précieuse information!

Toujours est-il que, lors de la première nuit de Sean-A-Poule au poulailler, il y a eu des petits bruits étranges… Puis, le lendemain matin, je découvre un trou dans le grillage du poulailler, JLO et Beyoncé recroquevillées dans un coin, mais aucun signe de Sean-A-Poule! Pas de sang, pas de cadavre, aucun signe d’une poulette esseulée dans les parages… C’est une disparition! 

Quel désarroi! Bien triste d’avoir perdu ma nouvelle poulette que je connaissais à peine et inquiète pour les pauvres JLO et Beyoncé effrayées au fond du poulailler, je me suis alors lancée dans une recherche de solutions afin de protéger ma bande. S’en est suivi une série de réparations de poulailler. Puis à nouveau, des prédateurs ont rôdé autour du poulailler, d’autres brèches se sont formées, JLO et Beyoncé en ont perdu quelques plumes et j’ai cloué et solidifié leur forteresse. À mon grand soulagement et malgré l’ombre d’une nuisance, mes poulettes ont traversé les saisons et ont survécu en étant plus fortes que jamais! 

Aujourd’hui, alors que JLO et Beyoncé sont au Club Med, je me remémore ces durs moments, puis je les imagine comme étant des symboles de résistance et de résilience. J’aime croire que mes poulettes représentent une petite sororité comme si elles étaient unies par des liens puissants. Peut-être que je fabule un peu. Mon seul indice, vraiment, est qu’il y en a toujours une qui crie le martyre lorsque vient le temps de rentrer et que, du poulailler, elle aperçoit sa consœur s’éloigner, suivie de mon copain, des aiguilles de sapin dans les cheveux, qui fait toutes sortes de pirouettes pour récupérer la pauvre poulette en cavale! 

Dans ma première chronique aux airs de bouillon de poulet, je m’adressais à toi, mon lecteur, ma lectrice, affectueusement surnommé mon poulet, ma poulette. Je t’ai appelé ainsi en l’honneur de mes poulettes, comme pour souligner notre coexistence devant l’adversité. Quand je t’appelle mon poulet, ma poulette, c’est que j’ai envie d’être cette main douce et réconfortante qui tient la tienne. J’ai envie d’être une forteresse. J’ai envie de te dire qu’on ne pense pas pareil, qu’on ne vient pas de la même place, mais que s’unir est un acte de résistance contre ce qui est aberrant, immonde, innommable. 

Je veux «[q]ue tu saches, au plus profond de toi, que le monde est à toi. Qu’il doit être à toi comme il doit être aux autres. Que tu dois pouvoir y avancer librement. Ce qui veut dire y croire. Ce qui veut dire en faire partie, tout simplement, sans même penser que ça puisse ne pas être le cas. Et en même temps, ça veut dire: être prête à exiger, insister, réclamer, t’indigner. Parce que malheureusement, encore maintenant, ça ne va pas toujours de soi.»

Référence:

Delvaux, M. (2013) Le monde est à toi. Paris: Points.