Une nouvelle vie en pleine pandémie

Une nouvelle vie en pleine pandémie
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En Août 2019, quelque temps après ma décision d’intégrer le programme de médecine au campus de la Mauricie, nous avons appris une grande nouvelle :  deux barres étaient présentes sur le test de grossesse. Quelle joie d’apprendre cette heureuse nouvelle pour moi et ma femme Anne-Élisabeth, quelques mois après notre mariage. À ce moment, dans notre appartement d’une ville du Bas-Saint-Laurent, alors que nous étions tous deux infirmier(e)s, nous nous doutions bien que la grossesse de notre premier enfant serait particulière. Nous nous empressâmes de calculer la date prévue d’accouchement et d’analyser à quel moment celui-ci tomberait dans le calendrier de l’année scolaire que j’avais sous la main à ce moment-là. Pas si mal, il ne me resterait qu’un seul bloc de cours (vivement les cours en bloc pour la pré-med pour moi dans ce contexte !) à terminer après la naissance de la petite et après, nous pourrions passer l’été ensemble en famille jusqu’à la prochaine rentrée scolaire, soit celle qui s’en vient ! 

Cette rentrée scolaire nous a demandé beaucoup d’adaptation. Une nouvelle ville (Trois-Rivières), les premiers symptômes de la grossesse pour Anne, un nouveau poste d’infirmière dans un nouvel hôpital pour elle, un nouvel appartement, le retour sur les bancs d’école après quelques années sur le marché du travail, etc. Malgré tout, cette période s’est bien déroulée; nous avions une certaine routine entre les quarts de travail au centre hospitalier pour Anne, mes examens, mes périodes d’étude et les rendez-vous de suivi de grossesse. 

Notre excitation était de plus en plus palpable à l’idée de rencontrer notre bébé et ce à chaque étape de la grossesse. Vers le mois d’octobre, nous avons appris le sexe du bébé : ce sera une fille ! Quelle joie d’accueillir une petite poulette dans notre vie; elle se nommera Clémence Landry. Comme vous tous à ce moment-là, nous ne nous doutions pas de ce qui allait se dessiner collectivement vers la mi-mars. Nous vaquions à nos activités normales soit faire des soupers avec les autres infirmier(e)s de ma cohorte, aller à mes pratiques avec ma nouvelle chorale d’adoption mauricienne, faire des allers-retours à Québec et dans le Bas-Saint-Laurent pour voir la famille, etc.

Je me rappelle bien de ce vendredi de mars. Nous entendions parler de plus en plus de ce virus dans les médias et le gouvernement provincial venait d’annoncer l’isolement pour ceux qui revenaient de voyage. Nous venions de finir un cours de statistique et soudainement, nous avons réalisé que ce qui se passait était plutôt grave. J’avais alors une intuition que nous ne remettrions pas les pieds le lundi suivant dans cette classe ; cette classe terne qui fut la même pour tous les cours de notre pré-med et qui rappelle le temps où il était permis de fumer en cours. C’est ainsi que je pris la peine de saluer mes camarades. Plusieurs d’entre eux avait pourtant si hâte de me voir, en avril, quitter hâtivement la classe suite à un texto qui annoncerait le début du travail, hélas ! 

Niveau santé publique, nous connaissons tous la suite et nous avons tous vécu ce confinement à notre manière. Initialement, ma femme et moi avons profité des premières semaines pour nous reposer et passer du temps ensemble avant l’arrivée de la petite. J’avais l’impression de me rapprocher de la grossesse, car nous passions littéralement, moi et Anne-Élisabeth, nos journées entières ensemble. Une chose qui a été difficile pour moi dans ce contexte fut de ne pas pouvoir mettre la main à la pâte dans les milieux de soins. Je suis un infirmier clinicien qui a travaillé dans les soins critiques et je suis le genre de personne qui veut toujours être dans l’action. C’est ainsi que j’ai commencé à haïr le divan, que je trouvais pourtant assez confortable au début. J’avais envie d’être dans les milieux de soins, j’avais envie de m’inscrire au fameux site jecontribue ! J’ai réfléchi un peu et j’ai opté pour la sagesse et la famille. Dans un contexte de fin de grossesse, de pandémie mondiale et de cours à distance, ma place était définitivement à l’appartement avec ma femme. 

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Nous avons commencé à vivre un peu d’angoisse face à l’arrivée de la petite quand les rendez-vous de suivi se sont espacés au lieu de se rapprocher (comme c’est l’habitude en fin de grossesse) et lorsque nous entendions parler que dans certains centres hospitaliers de la métropole, les conjoints ne pouvaient pas assister à l’accouchement. Nous nous étions tellement projetés dans ce moment important de notre vie qu’il était difficile de l’imaginer autrement. Finalement, nous avons eu l’assurance que je pourrais y assister et cela nous a grandement soulagés. De mon côté, je profitais des cours en ligne présentés de manière asynchrone pour m’avancer le plus possible ! Je voulais qu’il m’en reste le moins possible à l’arrivée de la petite. 

Le 15 avril, alors que les bilans quotidiens du virus s’alourdissaient, à 41 semaines de grossesse, le travail a commencé. J’ai dû aller porter Anne le matin à l’hôpital pour son rendez-vous de suivi de 41 semaines. Je ne pouvais pas l’accompagner comme pour tous les rendez-vous depuis mars. Ils ont finalement décidé de la garder et de lui donner un petit coup de pouce hormonal local ! Ce moment m’a paru comme une éternité, car je devais rester à la maison et elle à l’hôpital jusqu’au moment où elle perdrait ses eaux. Rajoutez à ça la batterie du cellulaire qui voulait rendre l’âme (sacrée obsolescence programmée !). Finalement, vers la fin de l’après-midi, j’ai pu m’y rendre et, au début de la nuit, nous avons accueilli notre Clémence, un bébé en santé et trop belle. Contexte de pandémie oblige, nous avons passé les jours post-partum dans notre chambre d’hôpital les trois ensemble; nous avons dû faire une croix sur le fameux «junior au poulet» post-partum que nous avions tant espéré! 

Arrivés à la maison, nous nous retrouvions un peu seuls avec nous-mêmes. Ça a pris du temps avant que nos familles puissent voir notre fille adorée autrement que sur un écran. Ça fait un début de vie assez particulier pour ces bébés-covid (comme je les nomme affectueusement). 

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Au final, Clémence a passé un très bel été avec ses parents dans le Bas-Saint-Laurent, près du fleuve et de son air salin. Elle grandit très bien et est en bonne santé. Nous avons un bébé facile et qui a hâte de voir papa retourner à l’école, sur son ordinateur, près d’elle ! 

Jean-Michel Landry