Hiver en cristal
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Par Michel Naassaneh
L'humain, disait-on, est maître de ses émotions. Et si ces dernières débordent de leur cadre charnel, est-ce là le paradis sur Terre ou l'enfer venu réclamer des âmes ? Dans cette édition spéciale St-Valentin, prenez le temps de siroter votre boisson chaude en lisant cette nouvelle pour savoir ce qu’il en est dans l’aventure qui suit !
C’était déjà les vacances d’hiver. Ah, que c’est merveilleux toute cette neige qui s’empilait depuis près de quatre jours déjà, et ce n’était pas encore fini ! On en annonçait encore pour les prochaines journées. Il faisait froid, assez pour permettre aux flocons scintillants de s’accumuler, petit à petit. Ça tombait bien ! Simon, jeune homme de 23 ans, assez têtu, avait enfin réussit, après de longs échanges, à convaincre sa blonde de partir faire du ski pour toute une semaine à leur chalet en montagne. Sa compagne de 21 ans, Camille, assez spontanée de nature, se montra réticente initialement, mais finit par accepter lorsque Simon dévoila que sa meilleure amie Jade et son copain Éric les accompagneraient. Tout était planifié. Tout était déjà prêt pour les accueillir. Il leur suffisait d’embarquer dans l’auto avec le second couple pour que l’escapade romantique prenne son élan. D’ailleurs, certains considèrent leur vie comme une série d’aventures qui se succèdent, et qui se chevauchent parfois. Pour d’autres, la patience manque, si ce n’est autre chose aussi, de sorte qu’une aventure nouvelle débute souvent alors que la précédente ne soit qu’à ses débuts. Qu’importe notre vision et notre réalité, lorsque la vie ne ralentit pas sa cadence journalière, il est impératif d’embrasser toute occasion qui s’offre à nous, au moment opportun et si on peut se le permettre, tout en se rappelant ce pourquoi on espère vivre et on attend – impatiemment – les prochains jours, mois et années.
La route vers le chalet se déroula sans pépin. Simon et Éric, à l’avant, s’occupaient de faire rouler la berline dans la bonne direction. Camille et Jade, assises confortablement à l’arrière, une couverture sur les cuisses et les pieds, discutaient et riaient, tantôt ensembles, tantôt avec les garçons. Ils étaient partis de bonne heure pour éviter le trafic, et pour bien entamer leur première journée de ski une fois rendus au chalet. Camille croisait régulièrement dans le rétroviseur le regard de Simon, assis devant elle, et souriait à chaque fois tout timidement, en baissant la tête. Son visage virait rouge tout de suite, mais reprenait assez rapidement ses couleurs, d’autant plus que les bancs de neige croisés en chemin réfléchissaient un peu trop la lumière. Simon, ne commentant pas spécialement cette attitude, continuait de garder ses mains sur le volant. Il se disait que sa copine était épanouie, et cette idée seule suffisait à tracer un large sourire si bien dessiné sur son visage. Il ne l'avait pas vue ainsi depuis belle lurette, et cela lui faisait chaud au cœur.
Arrivés au chalet, les deux couples se répartirent dans leur chambre pour défaire leurs valises. Aussitôt le tout rangé, et le chocolat chaud siroté, il était temps pour eux d’enfiler leurs maintes couches de vêtements ainsi que leurs équipements de ski. Les jeunes hommes prirent les devant, alors que les filles préférèrent rester enveloppées par les flammes de la cheminée un peu plus longtemps. Ce fut dans cet environnement gracieux que Camille révéla à Jade une nouvelle que ses lèvres brulaient d’aborder, chose que sa langue s’empêchait de faire depuis leur rencontre plus tôt dans la journée. Et il était clair que ce ne soit pas une petite nouvelle à annoncer au téléphone. Elle débuta son récit par « ce n’était pas du tout prévu, mais… » et sa copine l’interrompit déjà en disant « mais encore !! ». Ignorant ce commentaire, Camille continua son récit en relatant sa rencontre avec un nouvel homme. Grand, aux cheveux bruns et aux yeux ténébreux d’une couleur marron foncé, sans oublier sa musculature et son corps si bien tracé, il était naturellement doté d’une beauté divine. Par ailleurs, rien qu’un rayon lumineux suffisait à illuminer son visage en entier, ce qui faisait fondre davantage le cœur de la demoiselle. « C’est arrivé tout seul ; je n’y peux rien », se plaignait Camille à sa confidente. Mais se plaignait-elle réellement, si elle avait indéniablement aimé ce baiser... et tout le reste ? « Il manquait cette touche, chez Simon, et j’ai l’impression de l’avoir trouvée chez ce bel homme ».
La conversation se poursuivi ainsi. Des histoires, et encore des détails, se révélaient à un rythme encore plus rapide que la vitesse à laquelle le bois brûlait dans la cheminée. Camille se sentait perdue. « Je ne sais plus où la vie me mène. C’est si difficile de discerner ce que je ressens pour Simon. Difficile de comprendre quoique ce soit, quand tu penses à tout sauf à ton mec en le voyant. Je ne veux pas lui faire de la peine, parce que je l’aime bien après tout… ». Jade, en voyant son amie si perdue, tentait de la rassurer, lorsqu’Éric, d’un coup sec, traversa l’embrasure de la porte de la pièce.
Le visage tout rouge comme une tomate et son équipement de ski toujours sur le dos, il avait l’air de suffoquer. Il respirait rapidement, superficiellement, et peinait à prononcer quelques mots. Il reprit cependant rapidement son état normal. L’incompréhension et la peur se lisaient sur le visage des jeunes femmes qui sautèrent du canapé aussitôt en le voyant. Éric, posant ses gros yeux enflés sur les deux femmes, qui se fusillèrent du regard mutuellement par la suite, leur demanda de l’accompagner aider Simon. Ayant glissé en descendant dangereusement la pente bordant le chalet pour un défi, il avait déboulé, et un gros morceau de neige cristallisé lui avait blessé la joue, la traversant quasiment. Il n’en resta pas moins que le sang, qui avait commencé à couvrir la blanche neige pure, était le moindre des problèmes, compte tenu de la position délicate du jeune homme, la tête par terre, les pieds croisés et les jambes incapables de fournir la moindre contraction pour se réajuster. Ses mains étaient incapables de le relever.
Se sentant mal placé pour lui venir en aide tout seul, de peur d’aggraver sa situation, Éric s’était dirigé au chalet pour demander de l’aide. Ô le pauvre Éric… c’était le seul à avoir encore une tête sur les épaules pour réfléchir objectivement, comme il se devait, ainsi qu’une patience pour supporter les dérapages de ses amis. Un problème à la fois sera résolu. Jade s’occupa des soins de la plaie de Simon, dont le corps était fatigué, sans toutefois montrer des séquelles à proprement parler.
Le soir, au petit restaurant du coin, on aperçut les duos sortir tant bien que mal. Les larmes aux yeux, aux goûts de tristesse et de colère, n’exprimaient guère ce que leurs cœurs avaient jadis éprouvés… envers ces mêmes personnes. Chose certaine, l’incompréhension et le sentiment d’être perdu persistera toujours. Il restera à savoir, pour chaque occasion, lorsque l’amour – qu’importe sa forme – frappe à la porte de son âme, voudrait-on ouvrir son cœur et se laisser entraîner dans une aventure tumultueuse d’émotions intenses ? Personne ne saura clairement y répondre. Le second problème était, au moins, résolu.