Compte rendu atelier thé-causerie
Par Louise Acheraiou
Le 25 mars dernier, le comité du Pouls a eu le plaisir d’organiser à l’Intermed un atelier de discussion portant sur le colonialisme médical au Canada et son impact dans nos institutions. Nous avons accueilli pour l’occasion deux invités spéciaux : le pédiatre urgentiste et auteur Samir Shaheen-Hussain, professeur agrégé à la Faculté des sciences de la santé de l’Université McGill et Ryoa Chung, co-directrice du centre de recherche en éthique et professeure au département de philosophie de l’Université de Montréal, reconnue pour ses publications dans des revues de réputation mondiale. L’évènement, animé avec enthousiasme par Abderraouf Salhi, étudiant en 2e année de médecine, a rassemblé une vingtaine d’étudiants du préclinique. Questions, idées et opinions ont été partagées dans une ambiance conviviale, accompagnée de petits biscuits sablés et de thé. Rien de mieux pour égayer les esprits!
Dr. Shaheen-Hussain, qui, rappelons-le, est l’auteur du livre « Plus aucun enfant autochtone arraché » (Lux Éditeur, 2021), a ouvert le bal avec la prémisse suivante : sommes-nous tous des colons?
En tant que québécois de souche, ou bien même en tant qu’immigrant de première génération, pouvons-nous être considérés comme des colons? À qui appartient le territoire sur lequel nous nous trouvons? Qu’est-ce que la colonisation? En quoi celle-ci a-t-elle un impact sur les communautés autochtones et leur santé actuelle? À première vue, ces questions nous désorientent, nous déboussolent, car elles nécessitent une remise en question inconfortable, quoiqu’indispensable, de notre identité. Or, nos conférenciers ont abordé ces enjeux délicats et controversés, trop souvent occultés, avec brio. Ils ont su illustrer, notamment avec le triste exemple de Joyce Echaquan, que la dynamique coloniale canadienne, qui se base sur des injustices épistémiques, existe encore aujourd’hui dans le monde médical. Par ailleurs, professeure Chung a rappelé l’importance de s’informer sur des réalités qui nous sont méconnues, afin de mieux comprendre la réticence qu’un groupe minoritaire peut ressentir face à certaines institutions, qui ont historiquement été un symbole d’oppression.
« Que peut-on faire en tant que futur médecin pour améliorer les choses? », a demandé un étudiant? Réponse simple de la part de Dr. Shaheen-Hussain: s’impliquer politiquement. Néanmoins, comment afficher ouvertement ses couleurs politiques en tant que médecin, lorsque l’on est censé demeurer un juge neutre et impartial? Comment choisir entre notre instinct, qui nous pousse à dénoncer les massacres et les atrocités qui se déroulent sous nos yeux, et notre raison, qui nous rappelle le risque d’être radié de la profession, si l’on ose hausser le ton? Bref, tant de questions qui demeurent sans réponse. La discussion reste ouverte, et sur ce, je vous partage quelques suggestions de lectures, proposées par nos hôtes :
Inflamed: Deep Medicine and the Anatomy of Injustice – Rupa Marya, Raj Patel
L'élite cannibale- Olúfẹ́mi O. Táíwò
Bande de colons- Alain Deneault
Les damnés de la terre- Frantz Fanon
En espérant avoir éveillé une douce flamme d’introspection…