Le Pouls

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Quand la mort suit son cours

par Guillaume Lavoie

Avec la pandémie, beaucoup de mes collègues étudiants en médecine se sont portés volontaires pour aider dans les CHSLD. Ces milieux, non préparés pour ce scénario catastrophe, ont été le théâtre d’histoires horribles où nos anges tentaient de combattre la solitude, la grande amie de la mort, derrière une façade de plastique aseptisée. Des conditions difficiles, ainsi que du personnel éphémère et épuisé définissaient les multiples zones rouges. 

De mon côté, j’ai choisi de m’impliquer dans un milieu où la mort n’est pas l’ennemie : à la maison de soins palliatifs la Source Bleue à Boucherville. Là, j’ai pu aider le personnel dévoué et passionné ces cinq derniers mois. J’y ai vécu beaucoup de moments merveilleux, parfois difficiles, où j’ai pu observer la résilience et la gentillesse de tant d’humains. Dans cette zone verte épargnée par la COVID-19, les patients et leurs proches ont dû s’adapter à des restrictions toujours changeantes quant aux visites permises et à la complexité nécessaire des protocoles sanitaires. Ces personnes effectuaient des sacrifices pour le “bien commun” dans les moments où l’égoïsme est accepté. J’ai vu un (dernier) anniversaire célébré à travers une fenêtre, la pluie se mélangeant au champagne des convives. J’ai tenté de retenir mes larmes (sans succès) lorsque la soeur de Mme X. ne voulait pas être seule lors de son trépas. Je me suis empêché de donner un câlin à la fille de Mme Y. en l’aidant à rassembler les effets de sa mère, sachant qu’en fermant son coffre de voiture, je la laissais partir orpheline. L’humain est un être d’émotions et de réactions, mais la peur et l’atmosphère de solitude nourrie par la pandémie nous empêche, m’a empêché, de pleinement vivre les petits (et gros) deuils de notre quotidien. 

Bien sûr, dans ces situations, nous remarquons les moments magiques et banals qui nous prennent par surprise. Je pars de la Source Bleue avec des souvenirs, mais surtout avec beaucoup plus d’amour que ce que j’ai pu donner. Car dans cette maison, pour chaque moment plus difficile, de multiples autres nous volent un sourire. Les patients, le personnel, les bénévoles, tous acteurs du spectacle de la vie qui suit son cours (et se termine), sont de vrais sur-humains.

Je suis extrêmement reconnaissant de mon expérience et je quitte avec le coeur lourd. Je retiens entre autres que la maladie, autant dévastatrice soit-elle, peut nous permettre de se rapprocher de notre si belle nature humaine. Je vous partage mes derniers cinq mois pour vous encourager à rester solidaire, altruiste et humble malgré tout ce qui se passe, de façon globale autant que personnelle. Ce n’est pas notre dernière crise, et la vie suivra son cours peu importe. Alors vaut mieux vivre le sourire au coeur en collectivité.

La Vie et la Mort par Gustav Klimt

(source : commons.wikimedia.org/wiki/File:Gustav_Klimt_-_Death_and_Life_-_Google_Art_Project.jpg)