Privilège hivernal
L'hiver est perçu comme un être à blâmer.
Blâmé pour le manque de motivation et de vitamine D,
Manque d'énergie et d'électricité.
Mais l'hiver tant blâmé apporte avec lui un moment bien précieux,
Une opportunité de se rassembler pour les privilégiés.
Je suis privilégiée.
Ma vision de l'hiver, c'est la vision commercialisée.
De la ouate lourde au sol, celle qui alourdit les pieds, celle qui amortit le son des festivités.
Chaque fenêtre illumine les rues ensevelies.
Chaque fenêtre encadre des moments immortalisés comme au musée.
Le thème de l'exposition semble être la célébration: une famille, un couple ou des amis partageant un repas (brûlé ou non).
Le cadre de ma maison sera vide, puisque ma famille entreprend le voyage vers Victoriaville.
Ville étrangère, elle sert de refuge temporaire jusqu'aux douze coups de minuit, à l’instar du carrosse de Cendrillon.
On peut admirer le classique portrait du road trip annuel:
Une soeur en retard à la recherche de ses chaussettes
Pendant qu'une mère se casse la tête comme si la famille quittait pour une autre planète.
S’ensuit la nausée en auto, à trois sur la banquette arrière.
Un frère qui dit être sur une diète et devoir se restreindre à l’heure du dessert.
Le repas est parsemé de compliments par les tantes et de questions par les oncles.
Puis de retour sur la route, ventres pleins, hurlant à tue-tête sur du Queen alors que certains (un copain) tentent de dormir.
Bref, un tableau digne d'une soirée karaoké.
Oui, ma vision est privilégiée.
La version où le manque de chaleur est remédié par des douillettes.
Où le manque de motivation est compensé par des chants de Noël.
Où la seule anxiété est celle de ma mère avant le départ.
Où les maux de ventre sont conséquences du non-respect d'une diète.
Où la solitude est éphémère, effacée par l’amour de mes êtres chers.
Où je n'ai pas peur de me retrouver seule, au froid, à la merci de l'hiver tant blâmé.
- Anonyme
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