Par Louise Acheraiou

25 juin 2023, le ciel de Montréal est teinté de reflets orangés, un brouillard inquiétant se dessine à l’horizon, les rues du centre-ville demeurent désertes, tout présage une apocalypse. Ce jour-là, notre métropole figure à la tête du triste palmarès des villes avec la pire qualité de l’air au monde, devant New Delhi. À la source de cette manifestation météorologique: les 116 feux de forêt qui dévastent alors le Québec. Les rares personnes qui osent s’aventurer à l’extérieur s’exposent à un indice de l’air de 407 (sachant qu’il est considéré mauvais à partir de 51), ce qui les met à risque de dyspnée, de toux sévère, d’étourdissements et de douleurs thoraciques. Par ailleurs, les incendies qui ont ravagé la province pendant plusieurs mois l’été dernier ont provoqué un vent d’anxiété, d’impuissance et de détresse au sein de la population. 

Conséquences mondiales 

Il est indéniable que le réchauffement planétaire entraîne des répercussions majeures sur l’environnement et sur la santé physique et mentale. Il accroît la fréquence et l’ampleur de catastrophes naturelles comme les inondations, les tempêtes tropicales, les tempêtes de verglas, les ouragans et les feux de forêt, provoquant de plus en plus de situations d’urgence humanitaire à travers le monde. Sans oublier que ces perturbations dérèglent également la chaîne alimentaire et délogent les animaux de leur espace habituel, les forçant à se rapprocher de villes très peuplées. De plus, les activités industrielles humaines empiètent elles aussi sur des terrains agricoles et forestiers où vit une faune variée, ce qui augmente les risques de zoonose et nuit donc aux conditions sanitaires globales. 

Selon les derniers travaux de recherche de l’OMS (Organisation mondiale de la Santé), 3.6 milliards de personnes, soit plus de 45% de la population mondiale, habite dans des zones très vulnérables aux changements climatiques. Je dois avouer que cette estimation m’a fait frissonner. Sans compter que les risques encourus par ces dérèglements climatiques touchent de façon démesurée les individus défavorisés : les enfants, les femmes, les communautés pauvres, les minorités ethniques, les migrants, les populations âgées et les personnes souffrant déjà de maladies sous-jacentes. En outre, les pays en voie de développement, qui disposent de ressources et d’infrastructures de santé limitées, seront laissés au dépourvu devant la situation. Cette désolante observation met en lumière que les inégalités sociales et économiques en matière d’accès aux soins persistent au niveau mondial. 

Stress face à la catastrophe : comment le surmonter?

250 000 décès par an. C’est le nombre de morts prévu entre 2030 et 2050 par l’OMS en raison de la dénutrition, du paludisme, de la diarrhée et du stress causé par les changements climatiques. Ces statistiques semblent irréelles. Certaines personnes restent néanmoins indifférentes face aux enjeux entourant l’urgence climatique; cela ne leur fait ni chaud ni froid. Il demeure que la majorité se sent concernée par les circonstances actuelles.

Au Canada, 59% des jeunes disent éprouver de la crainte face aux changements climatiques. Maxime Boivin, chercheuse à l’INSPQ (Institut national de santé publique du Québec), décrit cette angoisse par le terme d’écoanxiété, qu’elle définit comme les « différentes formes d’inconfort qu’une personne peut ressentir à [divers] niveaux d’intensité en pensant à la crise climatique. » J’admets que le fait d’être constamment exposé à des nouvelles pessimistes et sensationnalistes concernant l’environnement, via la télévision, la radio, ou les réseaux sociaux, accentue l’écoanxiété. Ce sentiment peut avoir des répercussions sur le plan affectif, en suscitant un désespoir face à la situation qui semble incontrôlable, sur le plan cognitif, en causant des attaques de paniques ou sur le plan physique, en menant notamment des troubles de sommeil, associés à une rumination mentale.

Il va de soi que chaque individu possède une façon distincte d’affronter ses appréhensions. Quelles stratégies d’adaptation aident généralement à diminuer le stress occasionné par l’écoanxiété? Tout d’abord, il faut se demander si nous avons une emprise sur la situation à laquelle nous faisons face. Comme le disait le fameux stoïcien Épictète : « parmi les choses qui existent, certaines dépendent de nous, d'autres non. » Devant les éléments que nous contrôlons, il est possible de poser une action concrète, en s’impliquant par exemple dans des projets qui nous redonnent espoir. Devant les éléments qui sont hors de notre contrôle, nous devons nous entraîner à lâcher prise et à sublimer notre peur, en apprenant à tolérer une certaine part d’incertitude. À mon avis, il ne faut pas non plus refuser de voir les bouleversements qui se déroulent sous nos yeux en répétant comme un automate que « tout ira bien ». Il s’agit plutôt de verbaliser nos émotions et de chercher un soutien affectif auprès de notre entourage si nécessaire. 

Action, réaction

Avons-nous un rôle à jouer en tant que jeunes citoyens et futurs médecins pour réduire la crise climatique? Quelles actions pouvons-nous poser, individuellement et collectivement?

À mon avis, notre responsabilité sociale et morale face à cette crise est évidente. En tant que futurs cliniciens, la première étape consiste à s’instruire sur l’état actuel des changements climatiques. Cela peut se faire d’innombrables manières, que ce soit en regardant des vidéos, en assistant à des conférences données par des experts du milieu ou en feuilletant le dernier rapport du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) paru en mars 2023.

Quelques actions personnelles pour aider la cause

• Privilégier les transports en commun, le covoiturage et le transport actif (vélo, trottinette, marche, patins à roulettes, etc.)

• Utiliser un véhicule électrique plutôt qu’à essence 

• Introduire plus de plats végétariens dans votre régime alimentaire (même si la viande rouge a bon goût)

• Cultiver les tomates et autres légumes de votre jardin 

• S’impliquer dans la sphère sociale et politique

  • Rejoindre des groupes étudiants partageant vos valeurs (ex : comité écolo)

  • Exposer aux élus municipaux vos préoccupations concernant l’environnement

 Quelques actions gouvernementales qui pourraient aider la cause

• Promouvoir des mesures qui permettent de réduire les émissions de carbone

  • Diminuer le financement accordé à l’énergie fossile dans l’industrie (décarboner les énergies)

  • Développer des politiques de décarbonation des transports : vélos, transports en commun

  • Soutenir les énergies renouvelables : hydraulique, éolienne, solaire, géothermique, etc.

• Construire un système de santé plus résilient face au réchauffement climatique et plus durable sur le plan environnemental

• Protéger le système de santé contre les impacts du changement climatique 

  • Élaborer des plans d’intervention intégrant les risques climatiques (sécheresse, inondations, crise alimentaire)

  • Préparer des systèmes de surveillance analysant les données sur le climat 

    (ex : chaleur extrême, maladies infectieuses)

Sources

1. Dussault, L. (25 juin 2023). À Montréal les pires bouffées d’air. La Presse.

2. Vivre sa vie avant l’apocalypse (1) [épisode de balado]. Dans En conversation avec nos (éco)-émotions.

3. Climat.be. Rapport de synthèse du GIEC : les risques sont beaucoup plus élevés que dans les prévisions antérieures.

4. Helios. Rapport de synthèse du GIEC : ce qu’il faut retenir.

5. Organisation mondiale de la Santé. (12 octobre 2023). Changement climatique et santé.