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Le web et notre santé mentale – une question de dualité

Par Jacob Larouche

Dans notre parcours d’étudiants en médecine, les technologies sont devenues incontournables. Elles façonnent la manière dont nous interagissons, redéfinissent nos méthodes d’apprentissage et modifient notre rapport à l’information. En effet, la plupart de nos manuels, résumés, et même nos cours sont accessibles directement sur nos tablettes et ordinateurs portables. Saviez-vous que les étudiants en médecine passent en moyenne 7 heures par jour derrière les écrans? (1). Et ce n’est pas près de s’arrêter. Les systèmes d’information de santé continueront d’évoluer, nous poussant à être toujours plus connectés. Cette immersion dans la technologie nous expose naturellement aux distractions du web et des réseaux sociaux qui viennent avec. Chaque clic peut soit enrichir notre savoir, soit dévier notre attention. Les notifications incessantes, les algorithmes personnalisés et la tentation de passer d’une plateforme d’étude à une application distrayante sont omniprésentes, ce qui peut avoir des effets néfastes sur notre santé mentale. Cependant, détrompons-nous. Ces appareils, outre leurs utilités académiques, ne sont pas uniquement des générateurs de distractions. En eux se cache aussi un potentiel immense, une sorte de guide discret qui, bien utilisé, peut nous aider à naviguer dans les méandres de notre santé mentale. Mais comment ce même écran qui sollicite sans relâche notre attention peut-il devenir un allié pour notre bien-être? Voilà où la dualité du web, que nous allons explorer dans ce texte, révèle toute sa complexité.

Les pièges du web : la gratification instantanée et la comparaison

Avec l’essor des contenus courts, comme ceux popularisés par TikTok, notre manière de consommer du contenu en ligne a radicalement changé. Ce format, qui propose des vidéos de quelques secondes à une minute, s’est rapidement répandu sur d’autres plateformes comme Instagram Reels, YouTube Shorts et même Facebook Shorts. Désormais, chaque vidéo, conçue pour capter immédiatement notre attention, sollicite sans cesse notre système de récompense dopaminergique. Les algorithmes de ces plateformes nous bombardent de contenus adaptés à nos préférences, rendant notre cerveau accoutumé à cette gratification rapide. Ce processus finit par rendre difficile la concentration sur des tâches plus longues ou exigeantes…comme lire un manuel de médecine. La preuve : on s’endort si la vidéo Osmosis qu’on écoute n’est pas en vitesse x2.

En outre, les réseaux sociaux amplifient le phénomène de comparaison sociale, puisqu’ils sont le reflet d’une réalité embellie, où l’on ne montre que nos moments forts, nos succès et nos instants soigneusement choisis. D’une part, les médias sociaux regorgent de contenus publiés par des influenceurs qui partagent des vlogs d’une productivité hors norme. Par exemple, on y voit des étudiants se lever très tôt (chaque matin) pour s'entraîner, puis étudier pendant des heures avec des techniques d'organisation impeccables, réussissant simultanément à balancer parfaitement leurs vies académique, sportive et sociale. (chaque matin ne serait pas nécessaire ici je crois, puisque si on se lève tôt, c'est comme implicite que c'est le matin. Bien que ce type de contenu puisse être inspirant pour certains, il pose aussi des attentes irréalistes pour la majorité des étudiants. L’exposition répétée à ces images peut renforcer des cognitions négatives, telles que l’idée que l’on n’est jamais assez bon ou la peur de l’échec. Ce sont des schémas de pensée qui sont associés à des niveaux plus élevés d’anxiété de performance (2). D’autre part, certaines plateformes comme LinkedIn deviennent une sorte de vitrine constante de la réussite des autres : stages prestigieux, publications de recherche, et projets ambitieux. Cela peut rapidement alimenter le sentiment de ne pas être à la hauteur, même si nos propres accomplissements sont tout aussi significatifs. Ce phénomène exacerbe le syndrome de l’imposteur, déjà omniprésent dans notre milieu.

Quand le web devient un refuge : soutien, humour et sérénité

Par ailleurs, les réseaux sociaux offrent aujourd’hui des espaces de soutien en ligne, où il est possible de se connecter à des personnes qui traversent des situations similaires. Grâce aux algorithmes personnalisés, critiqués dans la première partie du texte, on peut tomber sur du contenu qui résonne profondément avec nos propres réalités, qu’il s’agisse de stress lié aux études, d’anxiété, ou de défis académiques. Ces espaces permettent de trouver des témoignages sincères et des conseils bienveillants, créant un sentiment de connexion et de soutien (3), même sans avoir besoin de chercher activement.

En parallèle, des initiatives étudiantes, comme les célèbres groupes de memes, aident à dédramatiser les moments difficiles. Rire ensemble crée un sentiment d’appartenance à une communauté qui vit les mêmes expériences. Ces instants d’humour collectif ont une réelle valeur thérapeutique : ils aident à renforcer les liens entre les étudiants et à maintenir un équilibre mental malgré la pression constante des études. Parce que parfois, un simple éclat de rire partagé peut suffire à alléger une journée particulièrement stressante.

Il existe aussi des applications axées sur le bien-être qui peuvent enrichir des pratiques bénéfiques pour la santé mentale comme le journaling ou les méthodes de relaxation. Bien qu’il soit possible d’écrire dans un simple carnet, le web apporte des options supplémentaires, comme des rappels, des suggestions de réflexion, et même des fonctionnalités qui aident à suivre notre gestion émotionnelle au fil du temps. C’est essentiel pour rester centré quand le chaos des études en médecine menace de tout submerger. Les applications offrant des méthodes de respiration guidées peuvent nous apaiser et nous permettre de gérer le stress de manière plus efficace, aidant à restaurer un sentiment de calme intérieur quand on en a le plus besoin (4). 

En fin de compte, le web peut être un allié précieux pour notre santé mentale si nous l’utilisons judicieusement. En tant qu’étudiants en médecine, nous devons apprendre à naviguer entre les distractions et les nombreuses ressources qu’il offre pour trouver un équilibre sain. Un esprit sain dans un monde numérique sain. C’est ça l’expression, pas vrai?








Source de l’image: Freepik

  1. Liebig L, Bergmann A, Voigt K, Balogh E, Birkas B, Faubl N, Kraft T, Schöniger K, Riemenschneider H. Screen time and sleep among medical students in Germany. Sci Rep. 2023 Sep 19;13(1):15462. doi: 10.1038/s41598-023-42039-8. PMID: 37726327; PMCID: PMC10509232.

  2. Huang C. A meta-analysis of the problematic social media use and mental health. International Journal of Social Psychiatry. 2022;68(1):12-33. doi:10.1177/0020764020978434

  3. Zsila Á, Reyes MES. Pros & cons: impacts of social media on mental health. BMC Psychol. 2023 Jul 6;11(1):201. doi: 10.1186/s40359-023-01243-x. PMID: 37415227; PMCID: PMC10327389.

  4. Kim J, Gray JA, Johnson H. The Effect of a Web-Based Deep Breathing App on Stress of Direct Care Workers: Uncontrolled Intervention Study. J Altern Complement Med. 2021 Oct;27(10):876-883. doi: 10.1089/acm.2020.0541. Epub 2021 Jul 5. PMID: 34227854.