Le Pouls

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Le chemin vers les vagues

par Maria Carla

Je suis l’une d’eux, ceux qui, dès le moment où ils sont tombés amoureux de la littérature, ont rêvé de publier un jour leur propre livre. Or, qui dit « un jour » dit « quand le Temps me le permettra ». C’est lui qui dictait mon chemin, qui conduisait, en ralentissant parfois, en accélérant souvent. Moi, j’étais sur le siège passager, je regardais le paysage avec indifférence, je toisais discrètement le conducteur, frustrée, jusqu’à ce qu’un jour, le 13 mars 2020 plus précisément, il s’est endormi et j’ai dû prendre le volant.

Nous traversions le confinement. Il n’y avait aucune signalisation indiquant quand nous allions le dépasser. J’ai alors dévié du chemin, je roulais à pleins gaz, chacun de ses ronflements me rappelait que leTemps allait se réveiller éventuellement et que j’allais devoir revenir à mon siège, mais je voulais d’abord visiter cet endroit où les idées deviennent des mots et les images, les voix, les odeurs ne se sentent pas mais se devinent.

Mon histoire, je voulais la raconter à ma façon. Je me suis donné la liberté de savourer la liberté, une fois pour toutes. Avant de commencer à écrire, je savais déjà de quoi je voulais parler, j’avais une idée floue de la fin, j’étais familière avec les personnages, j’avais hâte de faire passer un certain message. Tout ceci a facilité le processus de rédaction, qui m’a pris un total de cinq mois. À la fin d’août 2020, j’avais fini une première version d’Olas, qui s’appelait alors Un rêve flottant. J’ai dû prendre une pause, le Temps s’est réveillé, la troisième session de cégep commençait. Ma priorité était alors de bien performer, car je savais que ma prochaine destination devait être l’entrée en médecine, chose sur laquelle le Temps n’avait pas son mot à dire. Voilà les limites de ma soumission envers lui.

J’ai alors attendu la prochaine occasion où nous allions devoir ralentir : les vacances de Noël. J’ai alors peaufiné le manuscrit. Je l’ai fait lire à mes meilleures amies, à ma professeure de français de la deuxième session, la première personne à qui j’avais parlé du projet. Elle m’a aidée à dresser la liste de maisons d’édition auxquelles je devais envoyer mon roman. Je l’ai retravaillé plus ou moins constamment jusqu’en avril 2021, quand je me suis sentie prête à partager mon projet avec le monde ou, du moins, avec les éditeurs.

Je vivais une version tordue des admissions en médecine. Tout en me demandant si j’allais être acceptée dans le programme et par quelles universités, je rêvais que mon art soit accueilli par au moins une maison.

C’est en juillet que j’ai reçu la grande surprise. Leméac voulait publier mon œuvre ! J’ai saisi l’opportunité sans y réfléchir deux fois. Pendant presqu’un an, j’ai eu la chance de travailler avec une équipe exceptionnelle, de perfectionner mon travail le plus possible, de grandir en tant qu’autrice, en tant que personne.

Le mois dernier, Olas a enfin vu le jour. L’histoire de mon prochain roman est déjà semée. Elle pousse tranquillement. Je sais que je dois bien m’en occuper si je veux qu’elle fleurisse comme sa grande sœur. Cette responsabilité jumelée à mon nouvel instinct maternel m’a donné la volonté et le courage de tracer mon propre chemin, de revendiquer le volant de ma vie, de profiter en même temps du paysage.