Le Pouls

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J'ai envie d'y croire

par Clara Coderre

« Humain et performant ». C’est le sous-titre du très attendu plan en santé que le ministre Christian Dubé nous a livré le 29 mars dernier. 50 nouvelles mesures pour offrir un système qui, d’une part, serait à l’écoute du patient et des employés, et, de l’autre, efficace. Déjà, en lisant ce sous-titre, il est impossible d’être contre les principes sur lesquels cette réforme s’appuie. En effet, qui ne souhaite pas d'un réseau « humain », c’est-à-dire accueillant, sécurisant, qui considère tous les patients avec la même importance, avec la dignité que tous méritent? Et qui, devant un problème majeur ou mineur de santé, ne voudrait pas être pris en charge rapidement, être soutenu prestement?

Parmi les mesures proposées, certaines me semblent plus qu’évidentes, par exemple le cas des dossiers informatisés. Un gestionnaire comme Dubé doit lui-même s’enrager devant la difficulté à accéder aux données santé des patients, dans une tempête de papiers et de logiciels tous différents. Lorsque je serai à l’externat (je suis en pré-med présentement), devra-t-on m’apprendre à utiliser les fax (dont même mes grands-parents gardent un souvenir vague)? Si oui, j’appellerai personnellement Christian pour qu’il vienne me l’enseigner. Blague à part, comme dirait mon père, il est temps d’arriver au 21e siècle! D’autres mesures, par exemple celle d’offrir des repas de meilleure qualité dans les CHSLD, peuvent également compter sur la simple mais non moins persuasive justification du « gros bon sens » pour être mises en œuvre.

Parmi les réformes qui pourraient être moins consensuelles, on retrouve l’utilisation du réseau privé pour, entre autres, rattraper le retard dans les chirurgies. Plusieurs de celles-ci, qualifiées d’électives au début de la pandémie, ont été largement reportées, ayant comme conséquence que des conditions bénignes se sont aggravées au point de devenir urgentes. Devant la surcharge du système public, il me semble raisonnable que le privé offre une alternative pour des joueurs de golf ou de tennis qui souffrent à l’épaule afin de laisser plus de ressources pour un remplacement de hanche d’une personne âgée moins fortunée. Si certains craignent, avec cette mesure, que le système se divise et qu’il fonctionne à deux vitesses, j’argue, de manière simpliste, qu’il vaut mieux deux vitesses qu’être au neutre, ou pire, à reculons!

Ensuite, en ce qui a trait à la décentralisation du dispositif médical, j’ai l’impression d’assister à un jeu sans fin, au Québec, entre la centralisation et la décentralisation, avec chaque fois une vision un peu idyllique de ce que chacun peut accomplir. On vante les mérites d’une gestion décentralisée personnalisée, plus au fait des réalités « du terrain », quand on trouve que la machine est froide et qu’une poignée de dirigeants prennent des décisions « d’en haut » sans considérer le plus local. Dépossédés de pouvoir, ceux qui voient les problèmes du quotidien peuvent se retrouver les mains liées à naviguer dans des dédales administratifs alors que les solutions sont parfois bien simples. On veut également éviter de s’empêtrer dans une hiérarchie interminable de cadres aux opinions et vues parfois contradictoires, ce qui n’aide pas le bien commun. Or, le danger de régionaliser et donc d’ajouter des responsables est d’en nommer certains plutôt incompétents qui ont soudainement un pouvoir énorme dans leur secteur. Il y a parallèlement le risque d’une efficacité non uniforme entre les établissements et les villes, car administrés séparément selon des valeurs nécessairement différentes. Bien que ces enjeux ne soient pas problématiques en soi, je crois qu’il faut reconnaître les limites d’une gestion régionale parfois inégale tout comme celles d’une gestion uniforme parfois déconnectée du réel. Face à la crise pandémique dont on tente de se sortir, où on a décrié le manque de régionalité, je comprends la décision gouvernementale d’ajouter des paliers, mais je doute qu’en situation normale, cette compartimentation soit nécessaire.

Finalement, j’aurais aimé que le plan du gouvernement indique où se feront les économies du réseau ou de d’autres secteurs d’activité pour subventionner les mesures additionnelles dévoilées. Parmi les 50 annonces, aucune du genre « réduire les coûts d’entretien des immeubles » ne me permet d’entrevoir facilement comment il est réalisable. Où se situent les plus substantiels « gaspillages » de ressources qui nous empêchent de donner de bons repas aux aînés depuis maintenant plusieurs années? Et comment apparaîtront ces ressources, outre une demande de financement plus grand de la part du fédéral, qui reste encore à sécuriser?

Néanmoins, peut-être par naïveté, quand on me présente un plan comme celui-ci, j’ai envie d’y croire, que j’aie ou non des affinités avec le parti qui le suggère. Je refuse de sombrer dans le cynisme, car, au risque d’être déçue, je laisse généralement la proverbiale chance au coureur. Dubé lui-même a dit que les « sceptiques seraient confondus ». À quelques mois des élections, ce plan est à la fois une plateforme électorale et son chantier pour les quatre prochaines années, à moins que la campagne ne nous réserve quelques surprises!