15-love
par Florence Séguin
« 15-love »
Ou « 15-0 » en français.
Pour les amateurs de tennis, c’est une expression bien simple pour compter les points lors d’un match.
15-love, 30-love, 40-love. Point.
Comme si « zéro » et « love » étaient équivalents.
Je n’oserais jamais contester les mœurs d’un sport et encore moins défier les traditions, mais ma curiosité me pique. Et c’est bien rare que j’arrive à me retenir de la gratter.
Je sors mon téléphone et je google: « expression tennis 15 love ». Je lis en diagonale (c’est un réflexe maintenant): il n’est pas clair d’où découle l’expression, mais l’hypothèse la plus probable serait que « love » réfère à l’amour du jeu. L’athlète, n’ayant marqué aucun point (zéro), il ne lui resterait sa passion pour le sport.
Je ne saurais dire pourquoi, mais l’appellation me déconcerte. Immédiatement, mon attention n’est plus sur le match devant moi. Mes idées virevoltent alors que les balles s’échangent.
On dirait que je me sens blessé par l’utilisation gratuite et futile d’un mot si précieux. Je n’ai pourtant pas le monopole de l’amour.
Je suis quasiment insulté que l’arbitre expédie le mot, juste comme ça, dans un stade rempli de centaines d’individus. « Love ».
Adressé à personne, mais reçu par toutes les oreilles en même temps.
Moi, ça me prend tout mon courage pour le prononcer à une personne.
Je ressens chaque lettre, quand je les avoue. Quand je dis au revoir au téléphone à ma famille. « love you »
S’il arrive quelque chose, je veux que ce soient les derniers mots qu’ils aient entendus. Des mots doux, rassurants.
Je comprends tout de même l’essence de l’expression, et j’éprouve presque un sentiment de déjà vu ;
Je commence ma 2e année dans quelques semaines*. Reposée, mais consciente des défis et des sacrifices qui m’attendent. Je suis prête à manquer de confiance, manquer des questions d’examens, manquer des anniversaires, manquer de motivation, perdre contre le temps et perdre contre le sommeil.
Heureusement qu’on ne le fait pas pour les points, car la partie est perdue d’avance.
Comme un athlète, je me sens souvent « 15-love » contre les études en médecine.
Mais je ne m’en fais plus avec ça, il me restera toujours l’amour du jeu; l’art de comprendre le corps humain, de le traiter et de le guérir.
* Cet article a été rédigé avant le début de l’année scolaire.